Adventices,
qui ne fait naturellement pas partie de la chose


2023
Exposition de diplôme, formation supérieure de photographie CEPV.

Plantes envahissantes, néophytes, adventices, espèces exogènes …

Du point de vue des biologistes, une plantes invasive se propage rapidement, a une nombreuse descendance et peut constituer de grandes populations. Leur nombre a ainsi fortement augmenté avec la mondialisation. Elles peuvent évincer certaines espèces indigènes, causer des problèmes de santé chez l’être humain ainsi que des dommages économiques. Mais ces néophytes sont-elles réellement l’un des principaux dangers pour notre biodiversité ? Ces invasions végétales posent surtout problème à l’être humain, et non à la nature.1

À travers un travail photographique sur ces néophytes qui font tant parler d’elles, je leur donne une nouvelle image, loin de l’alerte médiatique. L’humain, qui les a introduites dans nos régions au fil du temps, désomais mène une lutte désespérée contre ces hôtes indésirables. Mais si au lieu de les combattre nous les utilisions pour leur bénéfices, dans la médecine, pour la dépollution des sols, ou encore dans notre alimentation ?

Par le procédé traditionnel de l’anthotype développé par John Herschel au début du 19e siècle, j’explore la sensibilité du végétal. Pour ce faire, j’expose au soleil du papier enduit de jus de plante, péalablement extrait, recouvert d’une image en transparence - tel un positif - ou directement de fleurs ou feuilles fraîches. Photosensible, la surface est altérée par les rayons qui viennent décomposer la couleur de l’émulsion et créent ainsi une image temporaire et délicate. Ne pouvant être fixée, l’image anthotype est vouée à disparaître.

Mon approche expérimentale de l’anthotype, procédé organique et naturel éphémère, s’allie à un processus numérique de superposition de photographies des plantes afin de rappeler la surabondance et l’immersion. Ces deux séries d’images s’assemblent dans une installation, où les spectateur·x·ice·s peuvent se plonger, explore l’éphémère au travers d’une photographie plus matérielle et plus « vivante », questionnant notre rapport actuel aux plantes et à la nature.

Transformation, saturation et métamorphose se dévoilent. Cette éphémère tend a captiver, insufflant à l’image photographique une délicatesse et une préciosité. La lumière berçe la croissance, l’éclosion et l’épanouissement des végétaux, mais une fois transformée en émulsion et en images, scelle leur destin. Elle a la capacité de façonner une empreinte, mais détient également le pouvoir de les faire s’évanouir.Par cette démarche, qui s’apparente pour moi à celle de Kristof Vrancken (BE, 1982), photographe et activiste, en recherche d’une pratique artistique écologique et durable, j’évoque l’évanescence de ces plantes, dans un cercle perpétuel de (re)production et de disparition. J’envisage l’exploration de la matérialité végétale comme expérience sensible afin d’offrir de nouveaux points de vue sur la puissance et résistance du vivant.


Entretien avec Nicola Schönenberger, Conservateur du Musée d’histoire naturelle de Lugano, et Marco Conedera, Chef de l’Unité de recherche Écologie des communautés, dans DIAGONALE, magazine du WSL, n°2/14, 2014Ne vaut-il pas mieux chercher dès lors de nouvelles façons de coexister avec elles ?





Texte de Léonore Veya, doyenne du département photographie, CEPV

Louna Debonneville oscille dans ce projet sur un fil sensible entre pratique originelle du médium et approche actuelle, entre un goût prononcé pour ce que la photographie révèle simplement par les jeux qu’elle opère avec la lumière et l’envie de nous raconter comment elle entre en résonance avec le monde …

Elle nous emmène à la découverte de plantes invasives qui se sont démultipliées par la mondialisation et nous invite à songer - une fois n’est pas coutume - non aux ravages qu’elles provoquent, mais à ce qu’elles recèlent de potentiel en termes de recherches de nouvelles coexistences.

Pour dire ce renversement, sa proposition de bouleverser les perspectives, elle combine deux langages photographiques et nous place face à de grands wallpapers aux intonations picturales, que l’on contemple

… avant d’apercevoir de petites images qui légèrement prolifèrent, ce sont elles - les invasives - que l’on découvre cette fois, leurs pourtours figés sur le papier par la propre substance que l’une d’elle renferme en dialogue direct avec la lumière. Ce sont des anthotypes, comme échappés d’un herbier du premier passé de la photographie, celui des inventeurs et inventeuses.

On dirait Louna à la recherche d’une part de magie, d’un réenchantement perpétuel du réel. Un réel que l’on saisirait comme on capte un simple rayon de soleil. A la fois à la manière de la botaniste et pionnière de la photographie Anna Atkins et de la traqueuse de phénomènes illuminants Rinko Kawauchi, poétesse au quotidien.

Celles qui ne font naturellement pas partie de la chose disparaîtront à terme de la surface du papier sur lequel elles sont fixées, dans un processus de mue, une ode à l’éphémère.